Dès 2025, considérant l’impact sanitaire et environnemental des produits fluorés, qualifiés de filmogènes, la réglementation européenne va renforcer les prescriptions réglementaires et les interdictions concernant l’utilisation, la production et la commercialisation des émulseurs fluorés.
Or la présence de fluor dans les émulseurs permettait à la mousse d’extinction d’être particulièrement efficace pour lutter contre des feux de liquides inflammables miscibles ou non à l’eau. Il convient donc de s’assurer de l’efficacité des nouveaux émulseurs non fluorés afin de confirmer les dispositifs de protection et de lutte sur les sites industriels et à disposition des équipes d’intervention.
Aussi GESIP s’engage dans l’organisation d’une campagne d’essais spécifique pour les émulseurs sans fluor de nouvelle génération, calquée sur des campagnes d’essais passées des années 1996-1999, permettant de s’assurer opérationnellement des performances de ces nouveaux émulseurs et de mettre à jour le guide de référence GESIP reconnu par l’administration et déclinant l’article 43 de l’arrêté du 3 octobre 2010 modifié relatif au stockage en réservoirs aériens manufacturés de liquides inflammables exploités dans un stockage soumis à autorisation au titre de la rubrique 1432 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement.
Efficacité technique des émulseurs avec fluor
Le premier émulseur à base de fluor, développé dans les années 60, a représenté une avancée significative dans le domaine de la lutte contre les incendies. Ce composé novateur était composé de surfactants fluorés spécifiques qui conféraient à la mousse des propriétés favorisant une couverture rapide et efficace des liquides enflammés et facilitant, ainsi, le processus de refroidissement et l’extinction des feux.
Son efficacité très élevée a été démontrée tant sur des feux d’hydrocarbure, d’alcool et autres épandages de produits chimiques particuliers.
Ces émulseurs fluorés contenant des PFAS (Substances per- et PolyFluoroAlkylées) ont donc la qualité d’être filmogènes. Ils permettent à la mousse de s’épandre facilement à la surface de la nappe en feu et de créer un véritable film à la surface du liquide inflammable — d’où ce qualificatif de « filmogène » — créant une véritable barrière entre les vapeurs inflammables émises par le liquide et l’oxygène de l’air ambiant et permettant l’extinction du feu. De plus, cela permet de réduire la tension superficielle de l’eau et de renforcer la « stabilité » de la mousse (ensemble de bulles d’air) dans le temps.
À contrario, les émulseurs sans fluor, n’ayant pas ce caractère filmogène, étaient précédemment moins performants et nécessitaient des quantités de mousse et, plus précisément, des débits de solution moussante (par unité de surface), supérieurs.
Taux d’application réduits pour les émulseurs fluorés
Réglementation et taux d’application des émulseurs
La réglementation française (Annexes 5 et 6 de l’Arrêté du 3 octobre 2010 modifié) prévoit des taux d’application (d’extinction) qualifiés de forfaitaires en fonction du mode d’application de la mousse et du caractère miscible à l’eau ou non du liquide inflammable. On distingue ainsi l’application « douce » avec un épandage par glissement à faible cinétique de la mousse sur la surface en feu, l’application « indirecte » avec une projection de la mousse sur une paroi physique (du réservoir en général) retombant par ricochet sur la surface en feu et enfin, une application directe « à plus forte cinétique » de la mousse sur la surface en feu.
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Émulseurs particulièrement performants, certification Gesip pour un taux d’application moindre que les taux forfaitaires
Campagne de qualification
Considérant les taux d’extinction forfaitaires définis par l’instruction technique du 9 novembre 1989 relative aux dépôts existants de liquides inflammables comme non adaptés aux nouveaux émulseurs les plus performants et afin de le justifier auprès de l’administration et de le faire reconnaître dans les référentiels réglementaires, Gesip a mené plusieurs campagnes d’essais à partir des émulseurs alors commercialisés.
Ainsi, à partir de multiples feux de liquides inflammables sur des surfaces allant de 5,4 m² jusqu’à 200 m², il a été démontré l’efficacité des émulseurs les plus performants à des taux d’extinction inférieurs aux taux forfaitaires, variables toutefois pour les feux d’hydrocarbure selon le caractère filmogène ou non de l’émulseur.
Ainsi, a été introduit dans la circulaire du 6 mai 1999 relative à l’extinction des feux de liquides inflammables, la possibilité de dimensionner les moyens fixes ou mobiles d’intervention selon des taux dits « calculés » sous réserve d’utiliser des émulseurs « particulièrement performants » qualifiés expressément par Gesip selon un protocole précis et reconnu par l’administration. Les bases de cette circulaire restent aujourd’hui d’actualité et sont confirmées dans l’arrêté du 3 octobre 2010 modifié et notamment en son article 43.
Dès lors qu’un fournisseur commercialise un nouvel émulseur, il a la possibilité de le faire certifier par rapport à la norme française avec les taux de la norme. À défaut, il peut désormais démontrer qu’il s’agit d’un émulseur particulièrement performant et faire intervenir Gesip pour des tests de qualification afin de pouvoir utiliser les taux d’application réduits (autour de 2-3) plutôt que les taux de la norme (de 4 à 15).
Expertise Gesip
Gesip est donc le seul organisme à pouvoir qualifier un émulseur particulièrement performant (au sens de la réglementation française). Mais au-delà de cette qualification réglementaire, Gesip réalise tout autre essai d’émulseur particulier sur des surfaces différentes et différents types d’installation afin de vérifier les capacités d’extinction d’un émulseur particulier sur un produit spécifique ou pour « contrôler » la performance d’un émulseur sur son cycle de vie, ou encore pour tester tel équipement de production de mousse.
Une liste à jour des émulseurs ayant satisfait à ces tests est à la disposition des utilisateurs.
Ainsi, le guide Gesip n°2012/02 — Révision février 2017 constitue le « guide professionnel » de référence reconnu formellement par la Direction générale de la prévention des risques du ministère de Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, pour la définition des taux d’extinction des feux de liquides inflammables.
Ce guide a pour objet de préciser les conditions d’application de solutions moussantes pour l’extinction de feux de rétention des réservoirs, dans le cas d’utilisation d’émulseurs s’avérant « particulièrement performants ».
La qualification des émulseurs par Gesip est valable 5 ans, en France. La qualification peut ensuite être reconduite pour 5 années supplémentaires, sous réserve de l’absence de changement dans la formule du produit.
Gesip peut également conseiller les industriels pour l’élaboration du cahier des charges techniques dans le cadre d’un appel d’offres.
La nocivité des émulseurs PFAS
Les enjeux sanitaires et écologiques liés à l’utilisation d’émulseurs fluorés
Les émulseurs à base de substances chimiques fluorées (tels que les AFFF, AFFF-AR, FP ou FFFP) suscitent de plus en plus de préoccupations en matière environnementale et sanitaire. En effet, en raison de leurs liaisons carbone-fluor, l’une des liaisons chimiques les plus résistantes en chimie organique, les PFAS sont persistants dans l’environnement et peuvent résister à la dégradation. Ainsi, certains composants des PFAS peuvent avoir des répercussions sur la santé et l’environnement.
Sur ce point, il convient de distinguer les acronymes AFFF (Aqueous Film Forming Foam) ou FFFP (Film Forming Fluoroprotein Foam) et FFF (Free Fluorine Foam). En effet, pour les deux premiers types d’émulseurs (AFFF et FFFP), l’acronyme renvoie vers « formant un film flottant » tandis que le troisième (émulseurs FFF), correspond à l’acronyme de « free fluorine foam », c’est-à-dire émulseur sans fluor.
Émulseurs au fluor et réglementation
Dès lors que le constat de la dangerosité des composés fluorés ont été identifiés, dans un premier temps pour certains types de composés à « chaîne de molécules longue » les PFOS puis les PFOA, l’accord international signé le 22 mai 2001 dit « convention de Stockholm » et la réglementation européenne par l’intermédiaire du règlement REACH 1907/2006 puis de la directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 (ne nécessitant pas de transcription formelle en droit français), ont progressivement restreint l’utilisation des composés fluorés notamment concernant les émulseurs, et planifié leur interdiction totale.
Les PFOA seront, en effet, interdits en 2025 et ont été remplacés, depuis 2016, par des composés moins impactants, mais qui pourraient également se retrouver concernés à terme.
La nouvelle génération d’émulseurs sans fluor
Depuis quelques années, les fabricants d’émulseurs, conscients des enjeux sanitaires et environnementaux, ont développé des produits de substitution et commercialisé des émulseurs sans fluor de plus en plus performants, au gré des recherches et des essais réalisés notamment sur le site Gesip de Vernon.
D’un point de vue réglementaire, il convient de donc de faire évoluer le texte en ouvrant la possibilité aux émulseurs fluorés non filmogènes de pouvoir être reconnus au taux d’application expérimental de 2 L/m²/min, sous réserve de leur réussite à l’essai Gesip réservé aujourd’hui aux émulseurs filmogènes.
Tel est l’enjeu de la nouvelle campagne d’essais mis en œuvre par Gesip. Cette sélection des émulseurs les plus performants non fluoré, fruit des recherches et développement des fabricants d’émulseurs, permettra de s’affranchir de lourds redimensionnements des moyens de lutte contre les feux de liquides inflammables (réseaux, pomperies, réserves, véhicules, moyens de projection de la mousse….) tout en préservant l’efficacité des secours et la protection de l’environnement.
La certification Gesip des émulseurs sans fluor : une opportunité pour une lutte contre l’incendie plus respectueuse de l’environnement
Gesip propose des sessions d’essai d’extinction en vue d’évaluer les performances des nouvelles générations d’émulseurs, dans le respect des contraintes réglementaires et de l’environnement, et contribuer ainsi à leur développement.
Gesip réalise ces essais à la demande des industriels qu’ils soient membres, adhérents ou non, groupements d’associations ou fabricants.
Gesip ambitionne de relancer une campagne d’essais pour démontrer que certains émulseurs sans fluors sont aussi performants que les émulseurs filmogènes, l’objectif étant de leur permettre de bénéficier du même taux d’application de 2.
Les installations reposent sur des scénarios prédéfinis imposant une certaine surface pour prévoir la quantité nécessaire d’émulseurs sur site. Ainsi, pour un stock calculé avec un taux d’application de deux, un remplacement des émulseurs filmogènes par des émulseurs non fluorés entraînerait une augmentation du stock de 20% avec les coûts associés. La nécessité d’une nouvelle campagne d’essai des émulseurs nouvelle génération fait, ainsi, consensus.
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Si vous souhaitez soumettre votre émulseur pour une application au taux réduit